« SEULEMENT DIRE » : LA PAROLE DEFAILLANTE DE L'ULTIME RETOUR - Université d'Artois Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2011

« SEULEMENT DIRE » : LA PAROLE DEFAILLANTE DE L'ULTIME RETOUR

Françoise Heulot-Petit

Résumé

Le partage est apparemment l'objet de la rencontre des personnages de Derniers remords avant l'oubli. Il s'agit de se séparer un bien, une maison, où deux hommes et une femme ont vécu ensemble. Ce partage du lieu de leur histoire d'amour est aussi l'occasion de revenir, par la parole, sur ce passé commun et de se séparer des rêves de la jeunesse. Ceux qui reviennent, physiquement, visiter le lieu et celui qui est resté, ne sont plus les mêmes. Vendre la maison doit sceller définitivement leur séparation. Dans Juste la fin du monde, celui qui revient pour annoncer sa mort prochaine et se séparer de sa famille ne parvient pas à délivrer son message devant leurs reproches qui sont autant de preuves d'un amour difficile à exprimer. Quitter l'autre, c'est aussi quitter une part de soi-même et cette lente déchirure demande du temps, or le théâtre de Lagarce exacerbe le moment même de la décision et révèle combien cet acte relève d'une forme d'apprentissage. Ce dernier est une quête faite d'essais et de répétitions. L'individu réagit à l'événement provoqué par la rencontre et ce qui devrait être la cause d'un changement de comportement, ce qui devrait permettre de formuler une nouvelle construction mentale ou réviser une construction mentale préalable semble conduire, dans ces deux pièces de Lagarce, à la déconstruction même. Un doute s'instaure sur la nature de la réaction, la précision de la parole, l'objet même de la quête. Comme l'avance Geneviève Jolly : « […] cette écriture dit, hésite, revient en arrière, renchérit ou se dédit, et donc multiplie les postures énonciatives, à l'intérieur même de la parole d'un personnage, et met ainsi en mouvement la parole ». Ce mouvement de la parole tente de traduire au plus près toutes les indécisions qui font de ces personnages des êtres en proie à une sorte d'empêchement, celui de formuler de manière libre et dégagée certaines pensées parce que les mots font barrage. Le mouvement de flux de l'apprentissage, qui les fait progresser les uns vers les autres, s'adjoint au mouvement de reflux de la séparation et travaille à la division à tous les niveaux dramaturgiques. Cette marche contre le vent, où la parole résiste, devient un véritable voyage, comparable à celui du retour au pays natal. Un voyage dans l'espace-lié à une maison habitée dans le passé-qui devient, dans ce lieu à présent étranger, un voyage dans les méandres de la parole. Dès lors, alors que la situation des deux pièces est très claire, le contexte étant précisé (où, quand et pourquoi), l'enjeu de notre étude va se porter sur les manques aménagés, par Lagarce, dans la parole et qui transcrivent l'indécision qui gagne du terrain sur les certitudes initiales. En observant ce qui relève d'abord d'une forme de balisage des relations entre les personnages et qui révèle déjà une zone de flou volontaire, nous nous attacherons ensuite au rapport délicat du personnage à sa parole, puis nous élargirons la réflexion au fonctionnement lacunaire de l'échange dialogué qui laisse la place au monologue. Le mouvement alternatif de la parole transcrit ainsi précisément l'aller-retour fondateur d'une dramaturgie de la séparation, séparation à venir dont les échanges présents pressentent l'avènement.
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Dates et versions

hal-03183789 , version 1 (28-03-2021)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03183789 , version 1

Citer

Françoise Heulot-Petit. « SEULEMENT DIRE » : LA PAROLE DEFAILLANTE DE L'ULTIME RETOUR. Lagarce ou l'apprentissage de la séparation, 2011. ⟨hal-03183789⟩
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