Lire Les Élixirs du diable comme un Künstlerroman “gothique"
Résumé
Il peut paraître curieux de chercher une réflexion esthétique dans Les Élixirs du diable (1815- 1816), l’œuvre ayant longtemps pâti de son allégeance manifeste aux formes réputées triviales que sont le roman « gothique » anglais ou la Schauerliteratur. Si ce texte sulfureux a tout de même suscité l’intérêt de la critique, c’est d’abord par la mise en scène novatrice qu’il propose d’un moi clivé, à travers le motif du Doppelgänger analysé dès les débuts de la psychanalyse par Otto Rank et Sigmund Freud. Concentrant ses analyses sur le motif du tableau et de son incarnation, qui en constitue aussi l'armature narrative, le germaniste suisse Peter von Matt a le premier dégagé la portée esthétique de l'œuvre, tout en en minimisant la dimension fantastique. On pourrait reprendre cette lecture en revenant au contraire sur la manière dont Hoffmann mêle des emprunts à la Schauerliteratur et au Künstlerroman, pour montrer à la suite d’Alain Muzelle comment l’écrivain modifie l’esthétique du premier romantisme en y introduisant l’incertitude fantastique et la dissonance grotesque.