Les maîtres-moqueurs du Tibet ou les métamorphoses du rire
Abstract
Le traité d’arts vivants et de poésie qu’est le Natyasastra indien comprend le rire hasya comme voie d’accès au rasa, au ravissement esthétique. Il est inclus dans la catégorie des bhav, des expériences esthétiques possibles. Associé à d’autres expressions, il compose un abhinaya, une interprétation corporelle du texte poétique, notamment dans la danse classique. Ce rire dans la littérature sanskrite et sur les scènes indiennes s’incarne également dans des personnages de bouffons, Vidusaka, ou parfois dans le personnage du dieu singe Hanuman. L’humour et la satire sociale et religieuse sont néanmoins très présents en Inde. De nombreuses statues, peintures religieuses ou masques des collections muséales illustrent des personnages originaux de l’hindouisme et du bouddhisme, issus du registre du rire et de la comédie. Ce rire protéiforme s’incarne dans un personnage de bouffon masqué qui sévit lors des rituels dansés bouddhiques tibétains. La pratique du bouddhisme, bien que sa finalité soit de se détacher des contingences matérielles qui nous attachent au samsara, du monde des hommes et de leurs travers, n’exclut donc pas le rire comme moyen d’accès à la connaissance ou au divin, et ce même dans un contexte mondialisé où le rire subit des métamorphoses et transformations.